Bajos, nomades de la mer

Les Bajos, ou Sama-Bajau, forment une vaste diaspora sur l’est de l’Indonésie, le nord malaisien de Bornéo et le sud des Philippines. Ces marins nomades avouent ignorer leur origine ; linguistes et historiens en débattent encore. Sédentaires pour la plupart depuis l’indépendance de l’Indonésie et de la Malaisie, les Bajos connaissent une grande précarité résidentielle. En Indonésie, les autorités les ont souvent déplacés brutalement, pour les fixer sur d’étroites bandes de terre ou de sable, ou sur de minuscules récifs. Ils habitent des maisons sommaires, souvent sur pilotis, et sont exposés à tous les déplacements autoritaires causés par des conflits régionaux ou des catastrophes naturelles. Les villages bajos sont ainsi des ghettos flottants résultant de politiques successives de cantonnement. D’un bout à l’autre de leur diaspora, leur mode de vie est constant : petits pêcheurs, pauvres dans leur quasi-totalité, ils fournissent la force laborieuse sur laquelle repose l’essentiel du marché halieutique local. Leur histoire, entièrement liée aux longues expéditions qui les menaient jadis d’île en île dans le vaste espace nousantarien, est évoquée sous la forme de chants épiques (iko-iko) qu’ils prodiguent encore lors d’événements collectifs. Évoluant entre la mer infinie et le littoral étroit ou s’agglutine leur village, les petites communautés bajo déploient des rôles sociaux reconnaissables : pêcheurs harassés, épouses industrieuses, enfants férus de jeux aquatiques, transgenres féminins ostensiblement maniérés… L’objectif photographique a tenté de saisir des visages et des corps.